Dans ce nouveau dossier thématique, ODDO BHF AM souhaite traiter d’un nouvel espoir dans la lutte contre le cancer, permis, en partie, par l’intelligence artificielle : le vaccin personnalisé contre le cancer (PCV).
Pourquoi un PCV ?
Le traitement le plus répandu et le plus efficace contre le cancer (notamment en tumeurs solides) à ce jour est une forme d’immunothérapie qu’on appelle PD1 (aussi appelé inhibiteur de checkpoint). Le médicament qui enregistre les plus fortes ventes dans cette catégorie est le Keytruda de la société Merck US. Si 75% des patients sont guéris après un an de ce traitement, le risque de résurgence n’est pas nul.
Le vaccin cancer personnalisé (ou PCV) doit être appréhendé comme un booster qui poursuivrait deux objectifs auprès des patients cancéreux : a) faire passer ce taux de guérison (ou de pause dans la progression de la maladie) de 75% à un taux plus élevé (au-delà de 80%) ; b) permettre une surveillance du système immunitaire des patients et prévenir une résurgence de leur cancer.
Deux sociétés ont lancé un programme de développement sur un PCV : l’américain Moderna et l’allemand BioNTech. ODDO BHF AM s’intéresse dans ce dossier thématique au cas Moderna.
Où en sommes-nous du développement de ce vaccin ?
Le PCV de Moderna est actuellement en Phase 2 de son développement avec des données qui seront publiées au cours du quatrième trimestre 2022.
Merck US, leader mondial dans le traitement du cancer, qui a eu accès aux données de l’étude en label ouvert de la phase 2 de Moderna a décidé d’investir 250m USD chez Moderna pour co-développer et co-commercialiser ce PCV ; donnant ainsi un important signal d’optimisme sur les chances de succès de ce vaccin. Le géant américain de l’oncologie a d’ailleurs un intérêt économique au succès du vaccin de Moderna ; puisque ce dernier magnifierait et prolongerait l’efficacité de son traitement PD1 qui lui génèrent plusieurs dizaines de milliards de ventes chaque année.
Il est capital de comprendre que l’étude de Moderna s’effectue dans un « cadre adjuvant » (c’est-à-dire uniquement dans les cas où la tumeur a déjà été enlevée par chirurgie) ce qui constitue un facteur qui accroît considérablement les chances de succès de l’étude de Moderna. L’avenir nous dira un jour si un tel vaccin pourra avoir un jour un succès similaire dans un « cadre métastatique » (cela sera plus difficile mais l’optimisme en la matière est permis quand on comprend l’essence même de l’approche par ARN-messager). Enfin, ce vaccin personnalisé devrait offrir un taux de réponse positive encore plus important sur les mélanomes que sur les autres cancers en tumeur solide.
Comment l’association de l’ARN Messager (ARNm) et de l’intelligence artificielle permettent de repousser les limites de la science ?
Jusqu’alors il était très difficile d’identifier les marqueurs tumoraux (c’est-à-dire les protéines qui sont produites par le tissu cancéreux lui-même ou parfois par le corps en réponse à la progression du cancer) car ils étaient indétectables par le système immunitaire. Cela rendait donc tout progrès dans la lutte contre le cancer assez compliqué puisque l’efficacité du PD1 (forme d’immunothérapie) touchait par la même son plafond de verre.
Face à cet obstacle, l’approche innovante de Moderna consiste à : 1) prélever un échantillon de la tumeur de chaque patient ; 2) le séquencer ; 3) utiliser des algorithmes élaborés pour détecter la mutation de la tumeur propre à chaque patient ; 4) utiliser ensuite l’ARN-messager pour labéliser ces séquences mutantes (il y en aurait 34 au total) ; 5) réintroduire l’ARN Messager sur la tumeur cancéreuse pour générer cette protéine qui va marquer la tumeur. De la sorte, les marqueurs tumoraux deviennent visibles par le système immunitaire et les anticorps PD1 peuvent tuer les cellules cancéreuses avec une efficacité accrue. Les bénéfices de cette approche seraient de se débarrasser des tumeurs de manière rapide et définitive et d’aboutir donc à une guérison plus définitive des patients.