Thomas Planell, DNCA Investments.
En 2025, près de 500 Exaoctets de données seront créés chaque jour, soit 2 millions de disques durs de 500 gigaoctets chacun… Des chiffres qui laissent à penser que d’ici à 2030, la consommation d’énergie des data centers, tirée par les besoins de l’IA, pourrait représenter un bon tiers de l’augmentation incrémentale de la demande d’électricité dans le monde. Elle pourrait représenter près de 5 % des besoins énergétiques mondiaux, si l’on en croit les estimations de l’IEA. L’équivalent d’un pays comme le Japon…
Avec un tel appétit de puissance, la facture environnementale devient plus salée que l’eau de mer dans laquelle est immergé le projet Natick de Microsoft. Notre mix énergétique primaire n’est toujours pas passé sous le seuil des 80 % d’origine fossile… Sur les 400 TWh consommés par les data centers en 2023, seulement un peu plus de 50 proviennent de sources renouvelables. Ainsi, d’environ 200 millions de tonnes de CO2 en 2023, les émissions induites (au sens large) par les data centers pourraient s’approcher des 600 millions en 2030. C’est près de 7 fois le bilan de la chaîne de valeur d’extraction et de raffinage du cuivre… et la moitié de l’acier mondial.
Microsoft s’est engagé sur la voie de la neutralité carbone, mais le virage de l’IA pris par le groupe (qui a investi dans OpenAI) remet en cause cette trajectoire. Il nécessite de déployer des infrastructures d’acier, de ciment, de nombreux minerais et métaux et de fibre optique reliées à un réseau électrique déjà tendu. Et d’alimenter l’ensemble (40 % de l’énergie sert au calcul, 40 % au refroidissement) avec les sources énergétiques disponibles… Pas le temps d’attendre une couverture à 100 % de l’approvisionnement par des Green Power Purchase Agreements ; il faut avancer vite, très vite dans la compétition du Cloud et de l’IA. Les actionnaires n’attendent rien de moins que de l’hypercroissance. Ainsi, à l’occasion de la parution de son rapport de durabilité mercredi dernier, où la société comptabilise sa responsabilité le long de la chaîne logistique, Microsoft n’a guère d’autre choix que d’annoncer une envolée de 30 % de ses émissions depuis 2020… En contrepartie, la firme de Seattle s’engage à cofinancer 10 milliards de dollars de projets de génération renouvelable d’électricité avec Brookfield Asset Management. La croissance d’abord, la gestion des externalités négatives après.
Les bénéfices de l’IA, à l’échelle de la société, sont encore difficiles à quantifier. Mais d’un point de vue énergétique, en revanche, les coûts pourraient se concrétiser rapidement. À eux seuls, les data centers vont relancer la croissance de la demande d’électricité aux États-Unis et en Europe… Sam Altman prévient : « il n’y aura pas d’IA sans une révolution énergétique. » Elon Musk prophétise : « Après les semi-conducteurs, les prochaines pénuries viendront de l’électricité et des transformateurs, qui permettent d’élever ou d’abaisser la tension ». On les trouve de part en part du réseau, dans les chargeurs de nos ordinateurs, téléphones, bornes de rechargement rapide des véhicules électriques. Ils sont bardés de cuivre. Cuivre qui tutoie les 10 500 $ la tonne sur les contrats Rolling 3 mois du London Metal Exchange… Et qui a traité avec une prime historique de 1300 $ sur les contrats de Chicago (moins liquides), en raison d’un rachat de positions vendeuses.